(Propos recueillis sur le site
www.bdzoom.com en les remerciant)
Alors que La belle et les Bêtes, le sixième (et ultime ?) épisode de Garulfo,
qui clôt un second cycle de quatre albums, vient de sortir, nous avons rencontré
Alain Ayroles. Discussion autour des contes de fées, de leur cruauté, des
messages de Garulfo ainsi que de De Cape et de crocs, l’autre série d’Ayroles,
dont une adaptation théâtrale verra le jour en octobre prochain (réservez vos
places !)
Comment qualifierez-vous Garulfo ? Est-ce un conte de fées ou une parodie
de conte de fées ?
C’est un conte de fées revisité et certainement pas une parodie. Garulfo
respecte les codes d’un genre qu’il ne ridiculise jamais. Toutes les libertés
que nous prenons sont respectueuses.
On a l’impression que les références au genre (l’Ogre, le petit Poucet …)
sont de plus en plus présentes au sein de vos albums ?
Garulfo est une histoire qui se déroule dans l’univers des contes de fées. Il
est donc tout à fait logique de croiser d’autres personnages qui vivent dans cet
univers, cette zone géographique et temporelle où vivent aussi bien Le chat
botté, Cendrillon ou Le petit Poucet.
Ces références n’étaient pas présentes dans le premier cycle de Garulfo ?
Parmi les personnages qui évoluent dans l’univers de Garulfo, si certains sont
connus, d’autres sont des archétypes du conte de fées. Dans le premier cycle, on
retrouvait ces archétypes : sorcières, dragons, chevaliers, princesses, etc.,
qui correspondaient plus à des personnages communs à tous les contes de fées
qu’à des personnages ayant fait l’objet d’un récit particulier. La présence de
certains héros des histoires de Perrault ou Grimm permet de rappeler que nous
nous situons bien dans l’univers des contes de fées, où ne se déroule pas
uniquement l’histoire de Garulfo mais aussi, en parallèle, celle du petit
Poucet, de la Belle au Bois dormant, du chat botté … Cet univers en est ainsi
élargi, par cette simple évocation qu’il se passe d’autres choses, dans le même
cadre mais plus loin. Cela contribue à le crédibiliser, comme quand, dans un
récit historique, on introduit des personnes ayant réellement existé.
Ces contes de fées classiques vous ont-ils servi pour votre inspiration ?
Au départ, l’inspiration vient du souvenir que j’avais des contes de fées de mon
enfance et de ce que j’en connaissais à travers ma culture générale, comme tout
un chacun. Quand j’ai préparé le scénario de Garulfo, je me suis replongé dans
les textes de Grimm et de Perrault pour mesurer ce que la mémoire collective
conserve par rapport aux textes originaux, fondateurs du genre.
Plus on avance dans le récit, plus il semble violent, particulièrement
dans ce sixième tome …
Nous avons essayé de mettre en place une montée en puissance de l’intensité
dramatique en se rapprochant de la fin de l’histoire. Il est exact que le récit
comporte dès lors des aspects plus sombres et dramatiques, mais aussi plus
romantiques, tout en conservant le contrepoint humoristique amené par le tandem
comique Garulfo & Romuald.
La violence était déjà présente dans les épisodes précédents avec
l’insoutenable mort du canard ! …
C’est un épisode qui a peiné de nombreux lecteurs. Plus sérieusement, nous
avions prémédité, d’une manière machiavélique, la mort du canard Fulbert. Faire
disparaître de cette manière un personnage secondaire et attachant, un animal
qui plus est, est ressenti par les lecteurs comme un acte particulièrement
cruel. Car ils comprennent que si le canard peut mourir, alors tous les autres
protagonistes de l’histoire peuvent mourir, princesse et la grenouille incluses.
On se retrouve alors dans un récit où tout peut arriver. Cette mort du canard
prépare le lecteur à l’idée que d’autres mort peuvent et vont survenir ensuite.
Personne n’est sur à 100% que l’histoire va se terminer par un « Happy-End ».
Cette cruauté est commune à tous les contes de fée …
Oui, il suffit de se souvenir de l’ogre du Petit Poucet qui dévore ses sept
filles ou du loup qui mange la grand-mère du Chaperon rouge. C’est une des
facettes de ce genre littéraire.
Ne rencontrez vous pas des difficultés pour « mettre en images » cette
cruauté ?
Je travaille beaucoup la mise en scène. Par exemple, quand l’ogre s’apprête à
tuer la princesse, j’ai utilisé une mise en scène pour la préparation de ce
crime abominable qui présentait l’ogre comme un psychopathe des temps modernes,
à la « Hannibal Lecter ». Je me suis alors demandé si je ne faisais pas une
utilisation abusive d’un cliché cinématographique ou d’un genre littéraire
récent. J’ai alors réalisé que c’était une démarche logique puisque, si on
considère Gilles de Rais, l’inspirateur de Barbe bleue, qui symbolise
parfaitement le mythe de l’ogre, on peut tout à fait le qualifier de
serial-killer du moyen âge. Je dirais que le succès actuel des films ou livres
mettant en scène ces tueurs en série est la transposition du mythe de l’ogre du
moyen âge. Beaucoup de personnages qui semblent nouveaux à notre époque ne sont
souvent que la transposition de mythes anciens.
Il faut également parler de l’humour, omniprésent dans Garulfo. Celui-ci
me semble plus décalé aujourd’hui, plus non-sensique qu’auparavant, avec des
situations humoristiques inédites qui n’étaient pas présentes dans les autres
épisodes, comme le cheval qui fait tomber par ruse un autre cheval au moment du
tournoi ?
Nous connaissons beaucoup mieux les personnages et leur psychologie, ce
qui permet de créer ces situations humoristiques inédites, que nous ne pouvions
pas nous permettre au début. Les premières situations humoristiques étaient très
orientées vers le visuel, des gags de situation plus burlesques. Au fur et à
mesure de l’avancée du récit et de la connaissance qu’ont les lecteurs – mais
aussi les auteurs – des personnages, nous pouvons nous permettre quelques
échappées vers des choses plus psychologiques et du non-sens.
Quels messages peut-on tirer de Garulfo ?
LIRE LA SUITE ET LA FIN DE CETTE INTERVIEW SUR
WWW.BDZOOM.COM
|