Djinn par MIRALLES et DUFAUX

Ana Mirallès parle de Djinn :

 

Rangez vos pieux phantasmes hispanisants hérités de Mérimée, Bizet, Carmen, Francis Lopez et Gloria Lasso. Place au tapis rouge pour Ana Mirallès, nouvelle star espagnole de Dargaud. Sensualité satinée, lascivité alanguie, aventure épicée : bienvenue à Djinn !


Ana Mirallès : on l'avait découverte avec Eva Medusa chez Glénat, voici qu'elle franchit la grande porte de la BD à dimension européenne grâce à Jean Dufaux et son scénario planté au seuil de l'Orient. Istanbul, cité des confusions : le nom, d'abord - Byzance, puis Constantinople, Byzance à nouveau, Istanbul ; confusion des sentiments égarés dans ces bazars où l'on trouve tout et le pire. Il n'est pas donné au premier venu de mettre en scène un texte de Dufaux, qui est tout sauf linéaire. Les destins s'y entre-choquent, l'action multiforme dévoile chausse-trappes et indices trompeurs, les vérités se télescopent.

Ana Mirallès : Je me suis énormément amusée à dessiner cette histoire. C'était d'abord une aventure personnelle, puisque je connais peu le français et Jean n'est pas un expert en espagnol ! Il était parvenu, tout de même, à me raconter la trame de Djinn. Puis, il m'envoyait le scénario, douze planches par douze planches. Je connaissais la fin de l'histoire, mais lorsque j'ai reçu la pernière livraison, Jean est parvenu à m'étonner par la manière dont il a amené la chute (provisoire) de ce voyage dans Istanbul et dans le passé !


Pour une dessinatrice espagnole, la découverte de la BD franco-belge, de ses techniques narratives, diverses et semblables à la fois, représente déjà l'aventure.
Le public espagnol n'éprouve pas le respect pour la bande dessinée, tel qu'il existe en France. Malgré de très grands artistes, qui parfois ont fait école, la BD reste un
produit de consommation que l'on ne prend pas très au sérieux. C'est très étonnant, car un génie comme Goya racontait ses toiles autant qu'il les peignait ; on ne peut pas dire qu'il faisait dans le portrait compassé ou la nature morte... Regardez bien Guernica de Picasso, et vous y trouverez la trame de plusieurs albums de 46 pages. La bande dessinée, elle, n'atteint pas ce statut : elle doit amuser et... tomber dans l'oubli. 

Dès lors, qu'est-ce qui pousse une jeune fille à embrasser une profession à peine reconnue et, de surcroît, occupée par une majorité de messieurs ? 
Je crois que mes parents m'ont offert des couleurs et des pinceaux avant de me tendre un hochet ! Aussi loin que je me souvienne, j'ai dessiné et dessiné et dessiné. Les couleurs et la lumière m'ont toujours fascinée. Je savais que je ne pourrais développer mes recherches dans la BD de grande diffusion en Espagne. Parce qu'il faut bien vivre, j'ai participé à un concours organisé par la radio. Une histoire de quatre pages, en noir et blanc, qui marque mes débuts officiels en 1982. Le titre, c'était Bandeles. Cette expérience m'a ouvert les portes du Festival de Barcelone, où j'ai cherché un éditeur. Jusqu'en 1987, j'ai multiplié les récits complets, pour m'attaquer, cette année là, à mon premier "64 pages" ! Depuis, j'essaye de limiter ma production à un album par an.


Et quel album Djinn (dont le premier tome, La Favorite, est sorti en mars 2001) se présente comme un carrefour entre Pierre Loti, Joseph Kessel et Vasco Pratolini, sur fond musical de Prélude à l'après-midi d'un faune. Une jeune demoiselle Nelson recherche la vérité sur sa grand-mère, épouse d'un diplomate anglais en poste en Turquie, à la plus mauvaise époque pour ce genre d'ambassade : l'avant-guerre de 1914. Ce qui reste de l'empire ottoman rêve de rapprochement avec le kaiser et ses Teutons, projet à la concrétisation duquel s'opposent par tous les moyens les Britanniques, qui ne savent pas encore que leur pouvoir mondial n'a plus que quelques années à vivre. Question subtilité, le sultan Murati ne craignait personne. A sa rouerie doucereuse, le jeune lord Nelson, oiseau pour le chat, oppose une morgue de bon aloi, une distinction forgée dans les meilleurs collèges. Son épouse sera, si l'on ose dire, le talon d'Achille qui va déclencher un imbroglio stratégique aux conséquences connues (la boucherie de 14, cela vous dit quelque chose, tout de même ?) et moins connues, telles que narrées dans Djinn. Petite futilité en passant : Ana Mirallès adore les chats, signe du talent inné, et dessiner les mecs. Les femmes, elle les dessine avec une aisance à rendre jaloux tous ces mâles dessinateurs incapables faire la différence entre une mère de famille, une five-o-clock et une hétaïre. Ce nouveau tandem Mirallès-Dufaux, c'est du djinn-fizz, les enfants !


Alain De Kuyssche (Lettre Officielle de la bande dessinée N°58)

 



Dufaux parle de Djinn :

 

"Les clichés qui viennent à l'esprit lorsqu'on évoque les harems sont nombreux. Ce serait une erreur de vouloir les éviter tous. C'est justement dans ces clichés que se glissent notre bonne et notre mauvaise conscience. Le corps d'une femme restera toujours le pouvoir suprême devant lequel plient les hommes" Dufaux

Intriguée par le contenu d'un carnet laissé par sa grand-mère et résolue à en élucider les troublants mystères, une jeune anglaise, débarque à Istanbul. Elle y fait des découvertes stupéfiantes et s'y retrouve la proie d'un aventurier prêt à tout pour décrypter les secrets de son aïeule.


Djinn raconte un double itinéraire et se partage entre deux époques et une même ville : Istanbul. En 1999 et 1912.


En 1999, une jeune femme d'origine anglaise, Kim Nelson, est à la recherche de ses origines, de son passé. Sa grand-mère, Jade, fut la courtisane favorite du sultan Murati, juste avant la première guerre mondiale. Pour retrouver sa trace Kim va accomplir une véritable initiation, une plongée vers une culture différente de la sienne qui la mèneront vers le monde des harems, un monde où le corps est magnifié, où le corps est au service du maître, du regard de l'autre.


Après bien des aventures, Kim recomposera lentement le passé de sa grand-mère...


Premier chapitre d'une toute nouvelle série aussi captivante que troublante ! Une quête d'identité pleine d'aléas périlleux et qui se mue en une intrigante chasse au trésor. Un récit où les pulsions inhibées de l'Angleterre victorienne se libèrent ans l'intimité sensuelle des harems de l'Empire ottoman. Les dangers et les voluptés de l'Orient actuel coincé entre évolution et tradition.

 

(Avant-première N°12)