Depuis 1997, grâce au dessin dynamique de
Christophe Quet et au scénario
fouillé de Fred Duval, la série
Travis propulse les lecteurs dans un monde
cyberpunk aux enjeux économiques machiavéliques. Science-fiction, action
débridée et réflexions sur notre société sont au rendez-vous pour ce
cocktail détonant. Quel et Duval racontent...
Comment est née l'aventure de Travis ?
Fred Duval : J'avais dé|à commencé à écrire les aventure de
Carmen Mc Callum dans un univers que l'affectionna particulièrement : la Terre en
2050. Je voulais continuer à en raconter l'histoire, mais sous un angle de
vue différent. J'ai donc choisi un routier de l'espace qui serait embarqué
contre son gré dans des aventures dingues. Mais la source originelle du
récit est une idée que j'ai eue avec
Olivier Vatine : faire un Die Hard dans
une station spatiale.
Comment s'est passée votre première rencontre ?
Christophe Quet : On nous a présentés après que
Fred Blanchard a vu
les dessins que j'avais envoyés à Casus Belli. J'ai ensuite fait deux
planches d'essai à partir du scénario de Carmen. Enfin, on a demandé à Fred
si mon dessin lui convenait...
F. D. : Et | ai dit oui immédiatement ! Le story-board était vraiment très
bon. Cependant, il nous a fallu plusieurs mois avant que le proiet ne
démarre véritablement.
Comment s'est construit le premier album (Huracàn) ?
C. Q. : J y suis un peu allé les yeux fermés. Je savais qu'il
traitait d'une prise d'otages dans une station spatiale, mais rien de plus.
F D. : Pour moi, 1 idée était très précise. Cet album pouvait presque être
un one shot qui se centrait sur Vlad. Il est clair que le héros de cette
première histoire, c'est Vlad ! Avec ses problèmes personnels, sa dépendance
aux machines, sa détresse .. Son côté « gris » était très intéressant à
exploiter.
Comment s'organise votre collaboration ?
C Q. : Fred me parle de son histoire. Il m'envoie un plan détaillé,
séquence par séquence. Il me donne celles qui se déroulent dans le même
décor ou avec le même personnage. Je peux donc travailler sur deux planches,
ou sur douze.
F. D.
: On attache beaucoup d'importance à la grammaire cinématographique et aux
choix de mise en scène. D'où un « séquencier » précis et très visuel. Dès
lors, je rédige la séquence case par case, tout en laissant quelques
libertés pour pouvoir rebondir.
Il était une fois Travis
:
Rouflaquettes rousses au vent, Travis n'aurait jamais cru qu'en ce matin
de 2050 sa vie tranquille de pilote serait bousculée par un commando de
mercenaires, planqués dans la soute de sa navette. Menée par Vlad, la
troupe prend en otage le personnel de la station de régulation météo
Huracàn. Travis se voit contraint de sauver la belle Anna Carisen, et de
se sortir de ce guêpier.
Les ennuis ne font, malheureusement que commencer ! L'entité mystérieuse
qui a ordonné cette opération vend ses services aux plus offrants : les
deux plus grandes multinationales, B&M et Transgenic, qui se livrent une
guerre sans merci. Ballotté au milieu de ce caphamaüm, Travis doit aider
deux charmantes cosmonautes, récupérer une plante transgénique, venir en
aide à Vlad (!), rechercher Anna Carisen mystérieusement disparue,
libérer des membres de l'O.N.U. et démasquer l'entité machiavélique...
Sans oublier de penser à sauver sa peau. Bref, beaucoup trop de
bouleversements pour un simple routier de l'espace, non ? |
Steve TRAVIS :
Né à Londres le 7 novembre 2018. Héros, pilote de navette. Opiniâtre,
combatif, borné et caractériel. Grand cœur. Plongé malgré lui dans la
guerre des multinationales. Rêve de récupérer sa vie passée. |
Vlad NYRKI :
Né à Odense (Danemark) le 14 octobre 2020. Mercenaire sur la voie
de la Rédemption. Méchant à cicatrice. Dépendant aux nanomachines qui
te cancérisent. Froid et déterminé. Doit faire des choix pour sauver
sa peau. |
"Travis est un gars simple, un routier de l'espace qui
exécute son job sans rien demander à personne"
Comment se déroule le travail des planches
?
C. Q. : Je suis le découpage de Fred. Mais il arrive que |e change
des cadrages, que je surdécoupe ou que je supprime une case. Toutes ces
modifications concernent plutôt des points techniques de narration, et pas
le fond de l'histoire.
F. D. ; Tout ce que Christophe fait est réalisé pour améliorer l'histoire,
et non pour la modifier. Quand je vois la séquence dessinée, ça me donne des
idées pour relancer la suivante. Les idées me viennent régulièrement. Il
peut y avoir des modifications, tant que mon histoire n'est pas bousculée.
En fait, je sais ce que je ne veux pas, et je le dis !
Désiriez-vous faire du personnage de Travis l'antithèse de Carmen Me
Callum ?
F. D. : Contrairement à Carmen Mc Callum, qui est une mercenaire
froide et efficace, Travis est un gars simple, un routier de l'espace qui
exécute son job sans rien demander à personne. Le voilà pris au milieu d'un
imbroglio infernal, organisé par des gens du même acabit que Carmen. Cette
idée d'avoir le point de vue d'un homme de condition modeste, sur le même
univers dirigé par les multinationales, m'intéressait grandement.
Vous abordez nombre de problèmes qui font aujourd'hui la une des
journaux, tels le dérèglement du climat, les plantes transgéniques, la
puissance du réseau Internet... Voulez-vous faire passer un message ?
F. D. : J'ai une formation d'historien, et donc une déformation
professionnelle qui est de me poser des questions sur la société. Travis se
déroule en 2050, mais s'intéresse à notre époque. D'ailleurs, je pense que
lorsque l'on écrit une histoire qui se déroule dans le futur (ou dans le
passé), on parle toujours de son présent. J'essaye de montrer dans Travis
que la technologie est formidable, mais pas aux mains de n'importe qui. Je
pense aussi que, demain comme aujourd'hui, la technologie ne sera pas
partagée par tous. Les puissants la possèdent, tandis que beaucoup d'hommes
utilisent encore des outils du XIXe siècle. Attention, la série n'est pas,
pour autant, un exposé politique, c'est avant tout une série de
divertissement ! Par exemple, dans le tome 2 (Opération Minotaure), j'évoque
le problème de la pollution des fleuves guyanais par les chercheurs d'or ;
c'est en filigrane dans l'album, mais la question est d'actualité. J'ai une
conscience écologique de base - sans être un militant forcené - et j'y tiens
!
Sir BAXTER :
Né à Londres, officiellement en 1993. (selon les mêmes rumeurs, en
1968). |
Lord MARTIN :
Né à Londres, officiellement en 1992. (Selon les mêmes rumeurs, en
1972). Dirigeants de la multinationale agroalimentaire B&M. Vénaux.
Sans cœur. Prêts à trahir, mentir, éliminer ou cryogéniser pour
défendre leurs intérêts. |
Vous décrivez un monde aux mains de deux multinationales
agroalimentaires. Ne serait-ce pas du « Vivendi caché » ?
F. D. : J'ai utilisé des multinationales agroalimentaires, car si
l'Homme peut se passer de PlayStation et de DVD, il ne peut pas se passer de
nourriture. C'est peut-être caricatural, mais ça me permet de parler des
enjeux économiques et politique du moment. Cependant, je vais plus loin avec
le conflit entre les deux entreprises : imaginez que Pepsi déclare une
guerre armée à Coca-Cola ! Il ne faut pas se cacher les yeux, le monde passe
des mains des politiques aux mains des financiers. Où se trouve l'espèce
humaine dans tout cela ? Nulle part. Et c'est très grave !
Christophe QUET face à sa feuille blanche :
Si j'accroche au découpage, je m'engage tête baissée. Sinon, je
m'attarde sur un nouveau découpage et le démarrage est plus long.
Lorsque je travaille, c'est un peu comme si je prenais un rôle, celui du
méchant par exemple, et que je le rejouais avec mes propres mots.
J'essaye toujours de rendre la planche la plus lisible et la plus
dynamique possible. Si Fred ne la comprend pas d'entrée, je dois y
remédier. Je prends le plus de plaisir lors du story-board, ce moment
privilégié où l'on met en place la narration. Pour moi, la bande
dessinée, c'est raconter des histoires avec des dessins et du texte. Je
ne suis pas vraiment un illustrateur. D'ailleurs, je préfère toujours un
dessin lorsqu'il est terminé, quand ma page est remplie ; le blanc de la
planche me met mal à l'aise. Je fais très peu de couleurs et je préfère
travailler avec dès niveaux de gris car je suis très pointilleux sur la
lumière. |
Divertissement...
F. D. : Attention ! Travis c'est 80 % de divertissement. Avec
Christophe, nous voulions nous éclater avant tout sur de la S-F de série B.
Rien de plus. Nous cherchions un scénario carré et un arrière-plan plus
sérieux pour lui donner un peu de corps. J'ai un propos clair pour chaque
album. Dans le premier, c'est « tout acte a une conséquence bien précise ».
Dans Opération Minotaure, c'est plutôt « les hasards malheureux peuvent
occasionner des actions », comme les débris du module qui s'écrasent sur le
village dans la forêt. Pour le troisième tome (Agent du Chaos), tout gravite
autour de la dégénérescence et de la régression. Enfin, dans Protocole Oslo,
je trate de la vieillesse et du passage de l'état actif, dans une société, à
celui " d'inutile ». Si le lecteur peut, en se divertissant, trouver des
idées intéressantes, j'en suis ravi.
...Et technologie ?
C. Q. : J'aime beaucoup la technologie. Je lis beaucoup de revues
techniques et scientifiques. J'avais d'ailleurs suggéré à Fred le principe
des microbilles dans les doigts de Vlad pour reproduire les empreintes, dans
le tome 3. J'apporte des idées ou des avis, sur l'armement ou sur les
véhicules, principalement d'un point de vue visuel. Comme dans Opération M/notaure,
l'exosquelette était sur un de mes crobards et Fred avait trouvé ça bien. On
l'a donc intégré à l'histoire.
Dario FULCI :
Né à New York en 2008. Directeur de la multinationale agroalimentaire
Transgenic. Calculateur. Sous des dehors d'humanité, entretient son
instinct de manipulateur. |
Comment ont été développés graphiquement les personnages ?
C. Q. : J'ai beaucoup réfléchi au physique de Travis, Pour certains
personnages, Fred me fournit des indications ; par exemple, Vlad devait
avoir des yeux artificiels et une cicatrice. Pour d'autres, seul leur âge
m'était précisé. Lors du développement du tueur qui remplace Vlad, j'ai
proposé que ce soit une femme. Pour les cosmonautes, nous avons décidé d'en
faire deux femmes afin d'éviter les deux hommes trop clichés ou le couple
trop glamour. Je suis donc assez libre de définir les physiques.
F. D. : C'est vrai que je décris assez peu les personnages. J'y pense
beaucoup, mais je les visualise seulement grâce aux dessins de Christophe.
Ici aussi, je sais surtout ce que je ne veux pas.
D'où sont issues vos inspirations
graphiques ?
C. Q. : J'ai mis des rouflaquettes à Travis, parce que je n'étais
pas assez sûr de mon style. Elles devaient me servir de repère visuel, au
cas où je n'arriverais pas à le maîtriser. Pour le reste, mes inspirations
sont diverses. Nous voulions conserver un aspect futuriste, tout en restant
proche d'aujourd'hui.
Par exemple, Baxter et Martin vivent dans un vieux château anglais entouré
de paraboles. Pour les sources en tant que telles, je me sers des magazines
de cinéma ou scientifiques. Ou, plus simplement, je m'inspire de la réalité,
comme déformer un vrai Caterpil/ar pour en faire un engin du futur. Par
contre, la télévision ne m'aide pas, parce que je ne l'ai pas.
Le tome 5 signe-t-il la fin de Travis ?
C. Q. : Nous repartirons pour une nouvelle aventure en conservant,
bien sûr, le personnage de Travis... Mais aussi celui d'Oncle Terry, car il
plaît à Fred.
F. D. : En effet. La deuxième histoire aura un sujet plus terre-à-terre. Il
n'y aura pas d’enjeu international mais des enjeux plus personnels, plus
proches des personnages. Il faudra donc s attendre à des changements
radicaux. Je ne veux pas d'un produit calibré, d'autant que je prends du
plaisir à renouveler les choses. J'espère que le public suivra, et que je
pourrai écrire 20 ou 30 tomes de Travis.
Des projets individuels ?
C. Q. : J'ai peu de projets, mais beaucoup d'envies, car un album me
prend beaucoup de temps. En effet, je consacre environ
treize mois à un Travis (le premier m'avait pris deux ans).
F. D. : J'ai un western (Gibier de potence) en collaboration avec François
Capuron, et dessiné par Fabrice Jarzaguet, qui vient de sortir. Chez Vents
d'Ouest, j'ai monté un projet d'aventure dans un monde à la Mad Max, avec
des poursuites en voiture. Je prépare aussi un troisième tome de Lieutenant
Mac Fly, je trouve ça drôle. Et puis le nouveau Carmen se précise de plus en
plus dans ma tête.
Le BOSS :
Né quelque part aux environs de 2029. Super méchant. Modélisation 3D.
Avatar de 7 cerveaux. Homme d’affaires sans pitié. Dur. Froid. Prêt à
tout pour déstabiliser l’économie mondiale. |
"On voulait faire un Die Hard dans une station
spatiale."
Paquito MANNONI dit «
Pacman »
Né à Addis-Abeba le 3 février 2022. Mercenaire, spécialiste en
informatique. Acolyte de Vlad. Irradié. Nanodépendnat. Accro au Réseau.
Détenteur de la vérité sur le Boss. |
Fred Duval face à sa feuille blanche.
J'ai d'abord une longue période de réflexion. J'attends de trouver
le climax, ce moment culminant de l'histoire. Ensuite, je définis l'enjeu
central et les personnages, ce qui n'est pas le plus dur. En revanche,
trouver le propos fondamental de l'histoire est bien plus
difficile. Je cherche à résumer le sujet en une phrase, comme un pitch en
cinéma. Cette idée bien ancrée, je peux commencer à rédiger tes séquences.
Je les découpe case par case, avec les dialogues. J'ai une écriture très
visuelle, ce qui rend mes descriptions assez précises. Enfin, je me réserve
toujours la dernière planche en dessert. C'est une sorte d'épilogue à
l'album, qui sort de l'action... C'est un peu mon générique de fin!
Anna CARLSEN :
Née en 2020. Ingénieur sur la station Huracàn. Ex-femme de Inger
Carlsen et ex-associée de Vlad. Douée. Forte. Intelligente.
Cryogénisée de force par B&M. Personnage clé de la guerre des
multinationales. |
PEGGY :
Née dans l'ordinateur de bord de la navette de Travis en 2050.
Intelligence artificielle modifiée illégalement. Bien roulée. Charmante.
Serviable. Bavarde. Élément clé de la guerre B&M/Transgenic." |
"Je ne veux pas d’un produit
calibré"
La série Travis comprend à ce jour quatre
récits :
Huracàn
Opération Minotaure
Agent du Chaos
Protocole Oslo
Fred Duval et ses collaborateurs
Fish'n'Ships (1 volume - Éditions A.P.P.) ; dessin de Turlan
You know what ? (1 volume - Éditions Glénat) ; dessin Formnosa
500 fusils (1 volume - Éditions Delcourt) ; dessin de Lamy
Carmen Me Callum (5 volumes - Éditions Delcourt) ; dessin de Gess,
co-scénario de Cailteteau
Lieutenant Mac F/y (2 volumes - Éditions Delcourt) ; dessin de Barbaud
Gibier de potence (1 volume - Éditions Delcourt) ; dessin de Jarzaguet,
co-scénario de Capuron
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