LEO parle de ses mondes...

Né en 1944 au Brésil à Rio de Janeiro, Léo vit à Paris depuis 1981 où il accomplit un vieux rêve : faire de la bande dessinée. C'est à partir des années 1990 qu'il commence à se faire un nom auprès des lecteurs grâce à la série Trent (scénario de Rodolphe) qui met en scène un sergent de la police montée canadienne. Ces grands espaces du nord de l'Amérique donnent des idées à l'auteur qui se lance (en 1993) dans ce qui deviendra "sa" grande série : Aldébaran. Un engouement du public pour cette série fantastique ambitieuse (cinq albums) est immédiat. Léo enchaîne alors un deuxième cycle de ces Mondes d'Aldébaran sous le titre de Bételgeuse dont le tome 2 est sorti en mars.
Auteur sincère et attachant, Léo n'a pas fini d'explorer ses mondes étranges et fascinants.

Trent a permis de vous révéler au public. C'est pourtant Aldébaran qui vous a amené vers un très large public. Comment expliquez-vous cela ?
Je ne me l'explique pas ! Je suppose qu'Aldébaran, en évoquant des situations et des ambiances plus insolites, provoque chez les lecteurs un impact plus fort. Mais c'est toujours très difficile de savoir pourquoi une histoire, un film, une musique, "marche" plus qu'un autre.

Une journaliste de la presse féminine (Profil-Féminin) qualifiait Aldébaran "d'une des plus belles BD de tous les temps". Réaction ?
Fichtre ! Elle exagère, bien sûr ! Peut-être influencée par le fait que mes personnages féminins sont en général plus forts et plus intéressants que les personnages masculins...

Au moment de démarrer Aldébaran, vous étiez parti sur un cycle de cinq albums. Aviez-vous une idée précise de l'évolution de cette série, ou cela s'est-il fait au fur et à mesure, en improvisant ?
Surtout pas en improvisant ! Je suis du genre à avoir besoin d'un scénario bien précis et détaillé pour pouvoir commencer à dessiner. Quand j'ai commencé le cycle d'Aldébaran ,je savais parfaitement où j'allais et comment j'y arrivais. Seulement, j'ai découvert en cours de route que dessiner cinq albums c'est long, et que les idées initiales finissent par évoluer, se perfectionner, s'enrichir. Pour Bétégeuse, je sais où je veux aller, mais j'ai laissé ouverte dès le départ la possibilité de suivre plus librement l'évolution de mes inspirations.

Une remarque revient souvent à propos des Mondes d'Aldébaran, c'est au sujet de votre bestiaire. Il semble avoir marqué de nombreux esprits et contribue à cette sensation d'angoisse que l'on ressent à la lecture des Mondes d'Aldébaran. Est-ce un effet recherché ?
Oui, les bêtes étranges aident à créer la sensation de dépaysement, surtout si elles sont plausibles. C'et vrai que quelques-unes sont angoissantes ou terrifiantes, mais je cherche aussi à en faire d'autres qui sont belles et déconcertantes.

Après Aldébaran et Bételgeuse, y aura-til une autre planète ?
Ah, sûrement ! Mais j'avoue que pour le moment je suis très concentré sur le déroulement de Bételgeuse et je n'ai encore aucune idée sur le prochain cycle !... C'est-à-dire, quelques idées commencent à surgir, mais très floues, encore trop floues...

En dehors de Bételgeuse, vous avez d'autres projets. Pouvez-vous nous en dire plus, notamment sur le fait que vous allez développer votre facette de scénariste avec Sergio Garcia ?
J'ai beaucoup hésité à assumer la responsabilité de faire un scénario pour quelqu'un du calibre de Sergio. Mais Yves Schlirf de Dargaud Benelux et lui-même ont su me convaincre. Et je m'en réjouis car c'est pour moi une expérience fascinante. Voir les scènes que j'ai imaginées au moment de l'écriture être interprétées et transformées en images par un type bouillant d'imagination et possédant un graphisme si riche comme Sergio !

Vous aimeriez dessiner comme...
Jean Giraud, bien sûr ! Quand je ne sais pas comment résoudre une case compliquée, je vais toujours jeter un coup d'oeil dans les albums du maître pour trouver l'inspiration... Et ça marche à tous les coups !

Écrire comme ?... 
Joker

Question indiscrète : avez-vous des regrets d'avoir quitté votre pays natal, le Brésil ? 
Non, je n'ai pas de regrets, Je suis parti du Brésil avec l'idée précise de faire de la BD en France. J'ai donné ma démission au boulot, j'ai vendu tout ce que je possédais et je suis parti. Avec une adresse et un nom : l'adresse de Dargaud à Neuilly et le nom du rédacteur en chef, un certain Guy Vidal... Mes collègues au Brésil disaient que j'étais fou, ou trop naïf, que ça ne marcherait jamais. Et ça a marché ! Ça a été un peu long et parfois difficile, mais ça marché. J'en suis fier.


Eric Gauvain (La lettre officielle de la Bande dessinée N°58)

Le premier album de Bételgeuse (La Planète) a obtenu, en octobre dernier (2000), le prix Bédélys du meilleur album de l'année lors du Salon du livre de Montréal au Canada.