Baloo et Alain Henriet parlent de John Doe

Pavillon Rouge N°11
 

La fin d'une cavale :
Il aura fallu moins de deux ans et trois tomes à Baloo et Alain Henriet pour laisser John Doe terminer sa cavale. Retour sur l'existence mouvementée d'un personnage qui, avec ce troisième épisode, tire sa révérence.

Tout commence un soir, sur une route de campagne. Baloo est en voiture avec un copain, ils suivent un livreur de pizzas en scooter. « On avait la dalle et le copain me dit d'écraser le livreur pour lui taxer ses pizzas - des pizzas à l'œil ! On a déliré là-dessus, et c'est comme ça que j'ai pensé à une course-poursuite
après des livreurs de pizzas dont une recèle un objet caché, style une clef - mais ça, ça existait dans Spirou à New York - ou un truc dans le genre. Le gars qui cherche l'objet devrait fouiller les pizzas, et même l'estomac de quelqu'un qui en aurait ingurgité une, ce serait donc un tueur à gages, mais un foireux dans le genre de Torpédo. » Une fois créé, ce tueur revêt les traits d'Alain Henriet, son dessinateur - « Je me suis dessiné avec un visage plus dur et plus balaise... tant qu'à faire ! » - et prend le nom de John Doe, surnom donné aux cadavres non identifiés aux États-Unis, car ceux qui ont lancé leurs hommes à ses trousses le voient déjà mort. Mais John Doe a l'âme bien chevillée au corps, comme en témoigne la genèse de ses aventures. Une pizza à l'oeil a existé sous la forme d'une version « comics », one-shot de trente-deux pages en noir et blanc édité confidentiellement en 1996. L'histoire devait s'arrêter là ; mais après projet de S-F avorté, les deux auteurs étoffent l'aventure et en font le premier album d'une série.
Celle-ci donne à chacun de ses trois tomes une fonction et un ton propre. " A la base, j'avais cette idée : tome un, John Doe est le chasseur ; tome deux, il est la proie : tome trois, proies et chasseurs se lancent dans une espèce de course au trésor", précise Baloo. Ainsi, si le premier album était volontiers parodique John Doe y affrontait notamment des adversaires aussi terribles qu'un chewing-gum ou un chat -, le second s'amusait avec les clichés liés à la maffia et voyait notre tueur retrouver une complice d'antan. Quant à ce troisième et dernier épisode, s'il n'a pas perdu l'humour mordant qui épice la série, il a tout du thriller haletant qui mêle quête, suspense, courses-poursuites et s'amuse à nous balader dans Londres, tout en mettant en lumière les zones que le récit gardait dans l'ombre. Effectuant des repérages dans la capitale anglaise, les auteurs n'ont rien laissé au hasard.
« Avant de partir, j'avais déjà la totalité de l'histoire, car ici il fallait être plus précis, répondre à toutes les questions, boucler la boucle, donc il n 'était plus possible d'improviser ». explique Baloo. En grand fan de comics qu'il est, Alain Henriet souligne que le travail, à partir de photos, ne l'a pas empêché de développer ce qui pouvait mener à l'imaginaire, notamment dans la séquence qui se déroule au cimetière d'Highgate. Il s'est laissé inspirer par la cohabitation des statues et de la nature, et par l'aspect gothique de la partie égyptienne de ce lieu « complètement mythique et hors du commun », ce qui confère au thriller une certaine étrangeté...

 

Boris Henry